Suspension ou retrait du permis de conduire : vérifiez l’objet du contrat du salarié

L’exécution du contrat de travail constitue l’obligation principale du salarié. En échange, l’employeur a l’obligation de rémunérer le salarié pour cette prestation. Or, en cas de suspension ou de retrait du permis de conduire, il peut arriver qu’il ne puisse plus exécuter sa prestation de travail. C’est le cas lorsque le déplacement est l’objet même du contrat de travail (ex : transport routier). Il faut alors de distinguer selon si le déplacement paralyse véritablement la prestation.

Si le déplacement n’est pas l’objet principal du contrat et/ou que la suspension est temporaire, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement. Il peut aussi trouver des mesures alternatives pour que le salarié puisse poursuivre son travail. Cette obligation n’est pas due si le salarié exerce des fonctions nécessitant obligatoirement la conduite d’un véhicule. Toutefois en pratique, il est conseillé peu importe le cas de figure de rechercher des solutions alternatives. N’oubliez pas également de vérifier ce que prévoit la convention collective : certaines d’entre elles prévoient la recherche préalable de mesures spécifiques.

Les salaires sont-ils dus ?

Dans un arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation a confirmé que « lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait l’obligation ». En l’espèce, il s’agissait d’un distributeur de journaux dont  le contrat stipulait spécifiquement que la détention d’un permis valide et d’un véhicule était nécessaire à la prestation de travail. Il précisait qu’en l’absence de l’un d’entre eux, le contrat serait suspendu, voire rompu au-delà d’un mois.

La Cour d’appel avait  condamné l’employeur au paiement des salaires qui n’avaient pas été versés durant la période de suspension. Or, la Cour de cassation lui a rappelé que le salarié ne pouvant pas exécuter sa prestation, l’employeur n’était pas tenu de le rémunérer sauf dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles contraires (congés payés, etc.). Elle a utilisé de manière logique et habile l’article 1134 du droit commun des contrats sur l’inexécution. L’indemnité de préavis n’est pas due non plus.

Attention toutefois : pour les salariés protégés, la Cour de cassation a jugé que l’employeur devait converser le salarié dans l’entreprise, mais également de la rémunération jusqu’à l’obtention de l’autorisation de licenciement par l’inspecteur du travail (Cass. Soc. 2 déc. 2009, N°08.43-466)

Le licenciement du salarié privé de permis de conduire

Il est possible de licencier le salarié si la suspension ou le retrait de permis rend impossible l’exécution du contrat de travail. Cependant, il faut que la détention du permis soit une exigence indispensable pour effectuer la prestation de travail. Ainsi, la suspension provisoire d’un permis de conduire pour un salarié préparateur de véhicule ne justifie pas le licenciement du salarié (Cass. soc., 4 mai 2011, no 09-43.192). Veillez à être prudent selon les cas.

En revanche, la Cour de cassation a confirmé le licenciement d’un salarié exerçant la fonction de commercial de terrain, et qui devait dès lors se déplacer dans plusieurs départements dans le cadre de son travail (Cass. soc., 22 sept. 2009, no 08-42.304).

Pour une suspension de très courte durée, il est conseillé de proposer au salarié un congé (payé ou sans soldes, RTT…) ou à défaut, de prononcer éventuellement une mise à pied. Toutefois, si le retrait est plus long, vous pouvez licencier votre salarié. La durée de la suspension du permis justifiant ou non le licenciement n’est pas précisée. La Cour de cassation a par exemple confirmé le licenciement d’un chauffeur-livreur dont le permis a été suspendu pendant quatre mois.  (Cass. soc., 1er avr. 2009, no 08-42.071). Il n’y a donc pas de durée minimale, mais nous vous conseillons de ne pas vous précipiter et d’essayer de trouver d’autres alternatives.

Attention toutefois au risque d’annulation de la décision du retrait de permis par l’administration. En effet, si l’administration annule la décision la décision de retrait de permis, cette annulation est rétroactive. Ce qui signifie que le licenciement n’est plus justifié. Il devient alors sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 12 décembre 2012, n°12-13.52)

Quel type de licenciement ?

Il convient de distinguer selon s’il y a eu suspension ou retrait du permis pendant les heures de travail ou en dehors :

  • Retrait pendant les heures de travail: vous pouvez procéder à un licenciement disciplinaire, notamment pour faute grave si par exemple le salarié s’est vu retiré son permis pour conduite en état d’ivresse.
  • Retrait en dehors des heures de travail: vous pourrez licencier votre salarié pour « trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise ». Vous devrez démontrer en quoi a suspension ou le retrait du permis de conduire de votre salarié rend impossible la poursuite des relations contractuelles. Vous ne pourrez pas engager un licenciement disciplinaire car il s’agit d’un élément de la vie privée et personnelle de votre salarié.

Dans tous les cas, vérifiez bien qu’aucune disposition conventionnelle ne pose des limites quant au type de licenciement. Par exemple, pour le VRP, l’accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 interdit de licencier pour faute.

Pour terminer, sachez que le selon la Cour de cassation, « aucune clause du contrat ne peut valablement décider qu’une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement » (Cass. soc., 12 févr. 2014, no 12-11.554). Il faut toujours le justifier, même en présence d’une telle clause.

Salariés du transport routiers : la convention collective prévoit des dispositions spéciales

Un accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d’accompagnement des dispositions relative au permis à point, étendu par arrêté du 31 décembre 1992, prévoit des dispositions spéciales pour les chauffeurs routiers.

En effet, il faut suivre une procédure en cas de suspension du permis, notamment une concertation entre l’employeur et le salarié pour décider des modalités pendant la période de suspension. En ce qui concerne le versement de salaire, les parties peuvent prévoir la prise de congés acquis (congés payés, repos compensateurs) pour permettre le maintien des ressources.

L’accord prévoit également l’information des membres du CSE. L’employeur a également l’obligation de rechercher un reclassement. Vous trouverez tous les détails dans l’accord. Si le retrait de permis est définitif et que le reclassement est impossible, l’employeur peut alors procéder au licenciement. Vous devrez lui verser des indemnités de licenciement, sauf celui de préavis, car il ne sera pas en mesure de l’exécuter.