Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 décembre 2018, 17-18.190, Publié au bulletin

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 19 décembre 2018 apporte des précisions sur l’application dans le temps de l’article L 1154-1, relatif au harcèlement moral, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dite loi Macron.

Pas de rétroactivité du nouvel article L 1154-1 du code du travail

En l’espèce,  la société Média prisme licencie pour faute grave l’un de ses salariés embauché comme directeur général adjoint. La cour d’appel constate des faits d’harcèlement moral, déclare le licenciement nul et condamne l’employeur au paiement de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de congés payés et de diverses sommes au titre du caractère vexatoire de la rupture contractuelle.

L’employeur forme alors un pourvoi et affirme que le harcèlement moral invoqué par le salarié à l’appui de sa demande de nullité du licenciement ne peut être reconnu en application des textes en vigueur postérieurement à la loi macron.

En effet, les faits d’harcèlement moral supposés ont été commis entre le 9 février et le 2 mai 2014 et l’action a été introduite par le salarié le 26 mai 2014. Le texte applicable au litige est donc celui de l’article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi Macron de 2016. Cet article dispose qu’est à la charge du salarié la preuve des faits qui permettent d’établir l’existence d’un harcèlement.

Selon l’employeur,  la cour d’appel a fait application de l’article  L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi du 8 août 2016, date à laquelle l’affaire est portée devant la juridiction or la charge de la preuve du harcèlement moral n’est pas la même avant et après la loi Macron.

La loi du 8 août 2016 a en effet modifié le contenu de l’article L 1154-1 du code du travail dont la rédaction est désormais la suivante : le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. L’employeur, doit, lui, démontrer que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La Cour de cassation a donc du se prononcer sur l’application rétroactive de l’article L 1554-1 faite par la cour d’appel aux faits d’ harcèlement remontant à mai 2014.

Elle affirme en ce sens qu’il n’y a pas d’application rétroactive mais souligne que l’arrêt de la cour d’appel n’encourt toutefois pas la censure car le salarié établissait bien des faits et non des éléments de faits permettant d’établir la présence d’un harcèlement.

Apports de l’arrêt

L’arrêt du 19 décembre 2018 a une importance capitale. Il apure les questions relatives à l’application dans le temps du nouvel article L 1154-1 du code du travail. L’enjeu est crucial. En effet, la nouvelle rédaction de l’article sur le harcèlement moral allège la charge de la preuve pour les salariés victimes d’harcèlement moral. Avec cette décision, la Cour de cassation pose le principe selon lequel les faits qui remontent à une date antérieure au 8 août 2016 ne trouveront pas application du nouvel article L 1154-1 du code du travail. Ainsi, les salariés concernés par ces faits devront établir les « faits permettant d’établir l’existence d’un harcèlement » et non « les éléments de faits permettant d’établir l’existence d’un harcèlement ».

Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037851016&fastReqId=809159602&fastPos=3

Voir aussi notre article Caractérisation d’un risque grave pour la santé et la sécurité des salariés